El Salvador (le retour !)

La minute de la plainte

Notre traversée du Honduras ne représente qu’un petit bourlet de 2h de route. Le passage de frontière ne traine pas, les agents sont devant le match de football Mexique / Argentine, ils expédient les papiers avant de vite retourner à leur écran télé. Un passage rapide au Honduras qui coute quand même près de 50€, la plus chère de toutes les frontières ! Nous traversons le pays après une sortie rapide du Nicaragua et bien contents du parcours, nous arrivons à la frontière du Salvador, optimistes pour réussir à nous poser sur la plage le soir même. Sauf que… c’était savoir que nous serions les heureux élus du test scanner des douaniers Salvadoriens. Ils nous aurons retenus plus de 2h pour faire les papiers, tester leur machine et contrôler les images radios du véhicules. Les 18h sont largement passées et il est maintenant bien trop tard pour rouler vers l’océan. La nuit tombant, il ne fait pas bon se retrouver seul et sans visibilité, le plus à craindre pour nous c’est l’accident provoqué par les chiens, chevaux, ou autres animaux traversant en permanence les voies de circulation. Les douaniers nous encouragent encore moins à prendre la route (pour d’autres raisons) et nous conseillent de dormir sur une station service tout près en restant dans un lieu de passage et éclairé. La bonne nouvelle c’est que finalement, nous avons tout notre temps pour remonter le Salvador, alors que nous pensions n’avoir qu’une autorisation de transit de 24h ! Ici, tu peux avoir autant d’avis et de décisions que d’agents de migration.

Dernier stress avec un contrôle de police à la sortie de la douane avant d’arriver sur la dite station. Le gardien veut bien nous garder pour la nuit et nous fera changer 3 fois de place pour s’assurer de nous avoir sous les yeux, « c’est dangereux » dit-il « mais je vous garde à l’oeil, restez bien en vue ». La gars porte un sonotone, boite et doit avoir 60 ans passé au compteur. Nous sommes entre de bonnes mains !  Les groupes de jeunes alcoolisés, les 40°C à 19h, les bruits de moteurs allumés et les passages permanents des poids lourds finissent de planter le décor pour une nuit de rêve. Et pour couronner le tout, les crapauds jaillissent de la bonde au moment de prendre notre douche, porte ouverte, dans les cabines de routiers !

« Maman, reviens vite !! » les nuits d’hôtel semblent déjà si loin…

Vivement la Baja California et les grands parcs de l’Ouest Américain, plein de promesses de bivouacs sauvages.

Sans surprise, les 1ers rayons de soleil n’ont même pas eu besoin de nous réveiller, nous sommes tous prêts à partir de bon matin. Cernés par l’animation de ce lieu de passage 24/24, il ne nous reste plus qu’à utiliser un fond de bouteille à l’intérieur du van en guise de toilettes. Les chiens ont préféré viser nos roues. Il est grandement temps de regagner l’océan à El Cuco !

Un dimanche au Salvador

Il n’est pas encore 8h quand nous arrivons à El Cuco, la série de car, bus, tuk-tuk et collectivo parqués dans le petit pueblo nous rappelle que nous sommes dimanche. Cette plage, nous y étions passés en descendant, elle était calme, immense, aux eaux chaudes, pleine de restaurants. Il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que tout le Salvador va à la plage le jour de repos dominical !!

L’accès à la plage se fait par un restaurant de son choix comme il y en a une vingtaine sur la seule rue du pueblo. Une 1ère cour extérieure où se stationner donne accès à une sorte de préau rempli de tables et de hamacs pour enfin s’ouvrir sur les km de sables noirs. Pas de bikinis ou de bronzette sur la serviette. Seul deux endroits où passer cette journée familiale, le hamac à l’ombre du préau ou l’eau qui reste très longtemps à hauteur de mollets. Les familles sont réunies sous 3 générations minimum, ambiance bon enfant entre musique et grosse tablée. Heureusement, notre bronzage nous aide à se noyer dans la foule mais les cheveux bonds et yeux bleus de Valentine ont tendance à nous dénoncer !

Intrigués par le balai incessant des lanchas sur le bord de plage, au beau milieu des nageurs, on s’en va à la rencontre d’un gars qui propose des tours pour 2€. Sans savoir où nous partons, on embarque avec une famille et ses 4 grands garçons. Rapidement, le moteur s’accélère pour casser les vagues, nous sommes en fait partis pour l’attraction du dimanche. Filer à vive allure vers l’horizon pour s’éclater à faire des plongeons en pleine mer après des embardées et virages serrés sur la flotte. Un vrai manège à sensation ! A bord, c’est la crise de rire assurée !

Cette ambiance, cette journée, c’était une impression d’être plongée dans l’intimité d’un pays et d’être accueilli à part entière. Pour clore ce dimanche, un message des copains cyclistes rencontrés au Guatemala nous permet de tous se retrouver à l’improviste ! Ca fait partie des petits plaisirs apportés par le Wifi ! Ils sont en fait tout prêts de nous à seulement une petite dizaine de km et dorment chez l’habitant grâce au réseau des Warmshower qui hébergent des cyclistes voyageurs. Leurs hôtes, José et sa famille, acceptent de nous accueillir chez eux pour nous offrir à tous une superbe soirée de complicité, de récits de voyages, d’échanges et de partage autour d’une plâtrée de carbonara.

L’expérience de José, Mexicain ayant grandit au Québec pendant la guerre civile, nous permet de répondre à nos nombreuses questions sur son pays et de nous faire ainsi une idée plus précise du Salvador :

  • Le pays est moins dangereux qu’il n’a été, la population a tendance à réguler elle-même, par village, les gangs qui se mettent en place. Les maras, homicides, corruption, extorsion de fonds, trafic de drogue et abus de pouvoir sont monnaie courante. La police a tendance a laissé les villageois s’organiser pour résister à leur façon à ces gangs organisés.
  • Les gangs proviennent des Etats-Unis, anciens mafieux emprisonnés dans les années 80  puis relâchés et rapatriés dans leur pays.
  • La  mise en place du dollars américain a été décidée au cours d’une soirée entre politiciens en 2001. Du jour au lendemain, les salvadoriens ont dû adopter une nouvelle devise avec la dévalue de leur pouvoir d’achat.
  • Les vaches sont laissées mortes sur le bas coté de la route et les charognards sont seuls pour nettoyer. En cas de percutions par un véhicule c’est l’éleveur qui est responsable. Et comme, ils n’ont pas un sous, l’éleveur préfère perdre sa vache que de payer les dégâts..
  • La diaspora représente près de 30% de la population, la plupart vivant aux Etats-Unis pour étudier, travailler dans l’illégalité ou non.

Au lendemain de cette soirée instructive, on s’embarque à 9 dans le van pour une dernière baignade ensemble avant de se quitter. Cette fois c’est sûr, le hasard ne fera plus se croiser nos chemins. Encore une rencontre, un courant simple qui fait créer une belle alchimie entre nos deux familles aux valeurs communes. L’Amérique du Sud les attend, et ce soir c’est nos potos du Canada, les Babzoukaroulottes, que nous retrouvons au nord  du pays ! La rencontre avec les Chamavélos ne sera pas sans laisser quelques séquelles dans nos envies futures.

5 mois plus tard à El Tunco : retrouvailles avec nos 1ers copains de route !

Nous nous étions quittés à Montréal et le calendrier, avec un coup d’accélérateur sur la pédale, a fait que l’on se retrouve après 5 mois de voyage au Salvador sur un spot idéal depuis la plage d’El Tunco. La magie d’Internet fait que l’on ne s’est pas perdus de vue, bien au contraire, chacun d’entre nous savait où et ce que faisait l’autre !

Laurence et Tristan ont lâché le petit Vim en route, parti comme prévu rejoindre son père en France, ils sont par contre suivis par Elsa et Thomas, jeunes français installés à Montréal et rencontrés le jour même à la frontière du Guatemala. A partir de là, la place est investie pour deux jours entre baignades et soirées arrosées. Trop court, mais trop bon ! Au cours d’une soirée, les gars vont sympathiser avec un groupe de jeunes salvadoriens. Les canettes s’empilent et les jeunes veulent tous faire des photos de groupe immédiatement publiées sur les réseaux sociaux. Notre présence et nos parcours les impressionnent, ils n’ont jamais vu ça et veulent à leur façon le montrer aux copains ! Chaque smartphone y passe, ils veulent tous leur propre photo. Les filles ne se privent pas de tâter la chaire blanche au détour d’une prise de vue collective ! Après des embrassades et des checks à n’en plus finir, ils montent surexcités dans leurs voitures finir la soirée en boîte de nuit, l’alcool au volant ne leur fait pas peur. Une des autres raisons pour lesquelles on ne conduit pas de nuit…

Cinq mois en arrière, nous ne soupçonnions pas être autant sur les routes, aujourd’hui l’on connait quasiment toutes les familles, et l’Amérique est devenue toute petite à évoquer ainsi nos aventures ! Comme disent certains sur la route, avec notre itinéraire nous avons vu le futur ! En faisant le choix d’une boucle et amorçant la descente par l’Est Américain nous avons tout fait à l’envers par rapport à nos homologues. Comme pour les précédents, c’est une nouvelle certitude que de ne plus se revoir, on remonte et ils continuent leur descente. Leur shipping est prévu sur le Panama pour un retour au pays à la mi-avril. L’émotion est là et le temps nous manque pour prolonger le plaisir. On était sûrs de se retrouver, c’est gagné et c’est sur ces mots que l’on se réjouit avant tout.

Cette séparation signe pour nous la sortie du Salvador, nous avons un objectif à atteindre à Antigua avant le début de la « Semana Santa » ! Fini les frontières rapprochées à cumuler, la prochaine ne sera pas avant deux semaines. Nous n’avions pas sorti « administrativement » le van du Guatemala ce qui facilite grandement le passage de frontière. Il nous faudra juste attendre une heure que le douanier finisse son repas pour un énième tampon avant de quitter le pays, mais ça, c’est du grand classique depuis quelques mois !

Written by Cécile