Escuintla

En route vers le Sud

Quitter la pluie, signifie aussi quitter la forêt tropicale. En l’espace d’une petite heure sur la route après Cobán, nous sommes propulsés dans un paysage de montagnes arides. La poussière est partout et les travaux de construction sur l’autoroute ne font qu’empirer cette vision. Les portions de route en travaux sont juste interminables et la circulation anarchique au possible. Malgré les bouchons, camions, bus et collectivo doublent en triple file à coté de ravins pentus. Les engins de chantiers continuent de défoncer les carrières pour construire les routes à leurs pieds. Heureusement que nous avons 20 000 km d’expérience pour rester calmes et patients face à ce foutoir qui prendra le triple de temps de la durée prévue. Nous sommes sur la panaméricaine qui se dirige droit sur la Ciudad de Guatemala, la plus grande ville d’Amérique Centrale. Autant s’y préparer, ça ne sera pas une partie de plaisir… Compte-tenu du temps perdu, un arrêt s’impose pour dormir avant de rester coincés sans plan, de nuit, dans la capitale.

Au lendemain, nous apprenons que c’est l’événement moto de l’année : La Caravana del Zorro. Tous les 1er samedi de février, plus de 45 000 motos quittent la Ciudad pour se rendre en pélerinage au Christ Noir de la Basilique à Esquipulas. Il fallait que l’on tombe dessus ! Ici, ce que l’on peut appeler moto regroupe tout ce qui a deux roues. La bonne majorité ne portant pas de casque avec des gamins grimpés un peu partout. C’est juste un immense cordon complètement loufoque qu’il nous faut couper et longer jusqu’à Guatemala City. Au début, entre motos customisées en dinosaure, avion ou yéti, c’est plutôt drôle mais quand en cours de route, on tombe sur un corps recouvert d’un drap blanc, on comprend rapidement que celui-ci ne joue plus. En silence, Rodolphe tient bien son volant pour finir la traversée de cette ville où la vigilance est indispensable pour ne pas s’accrocher en route.

Un peu de géographie

En descendant au sud du pays, nous atteignons la fameuse « Cordillère Centrale ». Elle se situe au centre de plusieurs plaques tectoniques à l’origine de la chaine de volcans que nous allons désormais suivre jusqu’au Nicaragua. Certains sommets atteignent sans soucis plus de 4000m.

A ces latitudes, le paysage est métamorphosé. La côte Caraïbes et ses forêts tropicales sont bien loins. La côte Pacifique devient plus plate, plus chaude, plus sèche. Seuls d’immenses cônes jaillissent de la plaine. De vrais et indomptables volcans à l’horizon.

Rien de mieux qu’une carte pour bien visualiser cet arc volcanique ! Plusieurs d’entres eux sont actifs, dont le Fuego qui a fait ces derniers jours une impressionnante éruption. Plus modeste et plus facile à atteindre, nous visons notre 1er volcan actif avec l’ascension du Pacaya.

Ascension du Pacaya : nez à nez avec un cratère en éruption

Nous atteignons sans difficulté le 1er parking d’où part le sentier pour atteindre le plateau du Pacaya. De là, plusieurs guides et jeunes avec chevaux nous alpaguent à peine garés. Comme trop souvent, ce n’est jamais bien confortable de discuter et de relativiser le besoin d’être accompagné en rando. Ici, c’est monnaie courante. Les excursions touristiques sont une manne pour le pays avec toute une déclinaison de petits boulots associés, du guide à la location de bâtons de marche ou de cheval. Pour une fois, nous choisissons de partir accompagnés, si on veut atteindre le cratère autant s’assurer du meilleur chemin. Ce sera surtout l’occasion pour nous d’en apprendre un peu plus sur l’activité de ce volcan.

Au début, nous optons pour un trek nocturne en partant dans l’après-midi. Notre guide, Elder, nous assure pouvoir dormir sur ce parking de retour de la randonnée. Le personnel du parc national pense tout autre. Ils en viennent même à nous faire douter de l’itinéraire retenu et de ce guide. Pour eux, le départ depuis le sentier nord est bien mieux et dormir ici est même dangereux. Bref, tout pour encore une fois nous faire douter de notre choix. Le ciel se couvre et nos hésitations persistent. Elder revient à nous et compréhensif sur l’aspect sécurité, nous propose une alternative qui conviendra à tous. Depuis le début, nous sentons un bon feeling et avons envie de monter avec lui, on décide donc de dormir plus haut dans le petit pueblo pour redescendre à ce même point de départ à 6h le lendemain matin. Le soir, les enfants du coin viennent tous à nous, ensemble nous jouerons au UNO et autres jeux de cours d’école avant de leur faire gouter aux croque-monsieur. Un chouette moment de communion simple. Nous sommes contents d’avoir fait confiance à notre instinct sans dénigrer personne.

Le départ depuis le sentier du 1er parking est vraiment excellent. Dès le début, il nous offre une vue panoramique sur les 3 volcans qui dominent la plaine : en 1er plan le volcan Agua, puis l’Actanengo réputé pour être le bivouac d’observation nocturne du Fuego hyper actif et juste voisin. Au matin, le Fuego nous crachera quelques nuages de cendre mais rien de violent. Rapidement, nous atteignons l’immense coulée de lave de 2014. Eruption qui a rendue populaire l’ascension de ce volcan par sa facilité d’approche sur lave. Au détour de cette coulée, le cône du Pacaya fini de se dresser sous nos yeux. Impossible de se cantonner à marcher uniquement sur son plateau, notre excitation nous pousse jusqu’à son cratère après avoir fait griller des chamallows dans un trou de lave encore chaud ! Personne n’est arrivé, nous sommes absolument seul sur ce géant qui gronde sans cesse. Sentir un volcan gronder sous ses pieds donne à la fois un sentiment de puissance et d’impuissance totale !! La marche devient plus corsée sous les scories qui glissent sous nos chaussures. Elder a le pas assuré à grimper ainsi 1 à 2 fis par jours, tous les jours de l’année !

Là haut, le spectacle commence et sans s’y attendre, le cratère à 10 mètres de nous fait jaillir une gerbe de lave rouge qui nous fait crier de surprise !! C’est énorme ! Le temps de sortir les appareils photos, les jets qui suivront ne seront plus à hauteur de la 1ère éruption mais tout de même assez spectaculaires. Nous assistons, subjugués à la puissance de la terre, tandis qu’Elder reste aux aguets conscients qu’à tout moment ça peut déraper. D’autres randonneurs arrivent, il est temps de descendre avant d’être tout serrés sur cette petite plate-forme. C’est bien dur de partir tellement cette scène est hypnotisante ! Le retour se fera au galop en moins de temps qu’il n’en faut.

Assister à une éruption volcanique avec seulement 5h de marche sur moins de 1000 mètres de dénivelé, franchement le volcan Pacaya est à notre goût une ascension facile et immanquable !

Written by Rodolphe