Brèves de voyageurs

Quel changement après 10 mois ?

Nous sommes devenus nomades. Le mouvement s’inscrit dans notre quotidien. Il est inhérent à chacune de nos journées, rythmant nos découvertes et diversifiant le paysage qui nous réveille.

Nous traçons une direction à vue d’oeil sur une dizaine de jours, nous laissant toute la liberté d’être portées par les conseils et propositions des personnes rencontrées. L’adaptation est une nouvelle forme de vie. Un peu à l’image des caméléons qui se confondent dans un décor. Nous sommes adaptables à tout. Nous sentant chez nous dans n’importe quel environnement. Deux jours à la même place, et c’est comme si nous y avions toujours vécu.

Le quotidien s’anime malgré tout de tâches régulières et désormais bien respectives. Le bivouac est pour nous l’un des essentiels du voyage. Les lieux où nous dormons sont investis comme un lieu de vie où l’on aime s’installer. La recherche du bois pour le feu, l’installation du matériel extérieur, la popotte, les jeux familiaux sont autant d’activités que nous pratiquons avec un systématisme nouveau. Chacun investit son lieu pour réaliser naturellement sa mission. Ainsi Valentine peut partir une heure explorer la forêt et la rivière en quête de bois, Clémentine passera des heures à écrire et à lire tandis que son père s’attellera à débiter le bois ramené par sa cadette.

L’arrivée aux USA et au Canada a ainsi marqué de nouvelles habitudes de vie directement liées au retour à la nature isolée. Inévitablement, le contact avec les locaux devient beaucoup plus ponctuel. Pour entretenir une connexion, nous n’hésitons pas à aller à la rencontre des gens ou de temps en temps dans un camping. Dans ces derniers cas, la sympathie des campeurs favorise toujours les échanges. Mais c’est évident, que nous sommes bien loin du Mexique et de l’Amérique Centrale. Et c’était vraiment là bas, le meilleur !!

A deux mois du retour, que se passe t’il dans nos têtes ?

Clairement, nous sommes contents de rentrer par le Canada. C’est une excellente transition tout en douceur. Le choix d’une boucle sur l’Amérique du Nord et Centrale s’apprécie encore plus à ce stade du voyage. Le Canada vient comme une bouffée de fraicheur et de simplicité après les USA. Ce pays est surtout un retour dans un monde plus voisin du nôtre avec une nature éclatante. Il nous émerveille et va encore nous surprendre jusqu’au dernier jour.

La remontée de la côte ouest des USA nous a offert des paysages incroyables, notamment en Utah et dans le Wyoming. Mais il a surtout révélé un désaccord vis à vis d’une société en décalage avec les besoins du monde actuel. Un système santé créant une pauvreté alarmante, une consommation alimentaire dramatique, une politique irresponsable, une sur-exploitation des ressources naturelles et la liste peut facilement s’allonger… Ne cherchant pas seulement la beauté des paysages, nous sommes devenus sensible à un environnement global. Et ici, il marche sur la tête.

Dans une dimension plus resserrée, à l’échelle de l’unité familiale, nous vivons une harmonie assez troublante ! Les filles de 10 et 12 ans partagent le même lit et se réveillent chaque matin par un câlin afin d’émerger en douceur. Des réveils sans contrainte d’horaire permettent d’engager de nombreuses discussions, aucune limite de temps. Il est maintenant notre allié, il est tout à nous, contribue à estomper des douleurs, à comprendre. La facilité de voyage en Amérique du Nord prépare totalement nos esprits au retour. Ces derniers mois sont presque les meilleurs de l’aventure tant les automatismes sont installés, tout étant totalement fluide. Savoir aussi que nous allons retrouver amis, familles et petits plats cuisinés, ne manquent pas de nous réjouir à l’avance !

Soyons encore plus pragmatique !

Cette vie sur un nuage ne nous fait pas perdre pied pour autant. Ignorer la réalité serait du caprice et nous ne pouvons nous le permettre, tant pour des raisons financières que pour le besoin exprimé des filles à vouloir retrouver amis et scolarité « normale ». Elles nous le répètent «Vous aviez dit un an, alors on ne part que un an ». Aucune rallonge envisageable. Le deal convenu par elles deux est de rentrer 1 an avant de repartir à nouveau sur les routes de l’Amérique du Sud (et du Costa Rica !) …

Le retour est donc clairement programmé avec un minimum d’organisation. Le bateau est booké pour le 23 août. Obligés de le déposer au port le 20, nous prenons un vol dans la foulée et serons sur Aix les bains le 21 août. L’échéance est à moins de deux mois maintenant.

La seconde priorité est pointée par nos filles : la reprise de la scolarité. Les directeurs de chaque établissement ont été plus que facilitant et pour chacune d’entre elles l’affaire est réglée : CM2 pour Valentine avec l’aide de Tonton Vincent sur la paperasse et 5ème pour Clémentine qui a choisi avec évidence ses propres options. Les parents de ses amies ont même rédigé un courrier au collège pour favoriser le rapprochement dans la même classe. Elle voit sa reprise comme une aventure avec beaucoup d’excitation. Quant à Valentine, je m’en remettrai totalement au sort de sa future enseignante espérant qu’elle lui fasse retrouver sa mémoire. Le voyage a eu un effet totalement surprenant sur mon élève d’un an, elle a tout oublié, à commencer par le sens du mot effort.

Nos employeurs sont aussi avertis d’un retour promis l’été dernier. Après mûre réflexion, nous préférons reprendre nos postes respectifs. L’idée de les quitter n’est pas passée bien loin de nos esprits. Rentrer avec un nouveau changement, un nouveau défi professionnel aurait pu permettre un retour dynamique fait de challenges… mais finalement, tout bien pesé, rentrer auprès des nôtres sera largement plus appréciable.

Reste ensuite le logement. Pour l’heure, il est bien trop tôt pour s’y pencher. La recherche se fera à distance avec visite de missionnaires volontaires sur place. Dans l’idéal, après un an de co-sleeping et de nombreuses années de cohabitation dans la même chambre, les filles rêvent d’un T4. Pourtant on leur a offert un beau T6 pendant un an sur les routes…! Il nous faudra juste réapprendre à uriner dans des toilettes et à se laver quotidiennement, en plus de la douce mélodie d’un réveil…

Voilà, en gros, on garde les pieds sur terre se réjouissant même d’une semaine de vacances sur Aix les bains avant de reprendre le taf 🙂

Written by Rodolphe